Le Club des Annonceurs : Éric vous êtes directeur du développement du média courrier à La Poste. Et puis vous êtes aussi président de l’Irep. Alors concrètement Eric, La Poste, c’est un métier ancien mais qui bouge. Expliquez-nous ce move qui reposent sur une vision simple. Finalement il faut capitaliser sur cet atout que représentent les facteurs et surtout les nouveaux marchés qui s’offrent à vous. Comment ça marche ?
Éric Trousset : L’idée de la Poste remonte à Louis 11. C’est une vocation très militaire, pour diriger le pays. Mais c’était finalement le début d’une relation épistolaire avec des informations écrites qui descendaient, qui remontaient. Le constat est simple je vais citer 3 chiffres pour démarrer. En 2008, La Poste a distribué en boîte aux lettres 18 millions d’objets, de lettres si vous voulez. Dix ans après, 2018, 9 millions d’objets et la projection en 2025, projection qui a été faite avant la pandémie, était à 5 millions. On peut imaginer que le risque que la baisse s’accentue soit plus important. On est face à un constat de fort repli. Il y a des activités qui se portent bien, le colis ou la banque mais l’activité historique effectivement elle est en repli. Maintenant on a un capital humain, et effectivement venu d’un capital humain énorme qui est celui des facteurs, 70000 facteurs sur l’ensemble du territoire y compris outre-mer. Et puis surtout le facteur c’est historiquement un des personnages préférés des Français après le boulanger. Donc l’idée c’est de capitaliser sur cette force. Certains de nos confrères à l’étranger ont fait le choix de réduire les tournées des facteurs, ils ne passent plus tous les jours. Le choix qu’on a fait c’est finalement de leur donner une activité nouvelle, une activité tournée vers les services. On sait que les Français sont très attachés au service alors que ce qui était visible assez vite sur les services à la personne veillait sur les personnes âgées, la livraison de repas cette année ça va être plus de 800 000 repas livrés par des facteurs essentiellement des personnes âgées ou des personnes qui ont des problèmes de mobilité. C’est le portage de médicaments et le portage, notamment en région parisienne d’ordinateurs aux élèves et aux lycéens qui ont été équipés par la région. Ce sont des services nouveaux puisqu’ils se développent aujourd’hui sur des services BtoB.
Le Club des Annonceurs : Alors quand on s’adresse à autant de monde, pour accompagner en interne comment vous procédez ?
Éric Trousset : La transformation est effectivement énorme, vous imaginez que c’est une entreprise dans le monde qui représente 250 000 collaborateurs. Ça part forcément d’en haut, du président Philippe Valle qui est présent sur le terrain, qui explique. Actuellement par exemple juste pour illustrer, on est en train de définir la stratégie à 2030. Tous les collaborateurs sont invités à participer à des workshops. Bien sûr c’est sur la base du volontariat avec une implication qui est forte et qui explique qu’il y a une bonne adhésion à ce projet d’entreprise. Et cette transformation du métier de distribution, je dirais historiquement de lettres et de plus en plus de services, ça nous ramène au métier du facteur qui maintenant s’incarne dans la raison d’être de la branche courrier c’est relier les uns aux autres et dans le service on est toujours dans cette notion de lien.
Le Club des Annonceurs : Cela n’a jamais eu autant de sens effectivement. Mais quelles sont les retombées terrain, concrètement les facteurs que vous disent-ils par rapport à ça ? Est ce qu’ils y adhèrent ? Est-ce que cette raison d’être finalement ils la ressentent au quotidien ? comment ça se passe ?
Éric Trousset : il y a une très bonne adhésion. Je ne dis pas que de temps en temps il n’y a pas quelques difficultés. Globalement il y a une bonne adhésion parce qu’il y a une prise de conscience, passée par la pédagogie et des actes managériaux, que le monde a changé. Notre monde a changé et que de toute façon il y aurait moins de lettres demain, quoi qu’on fasse. Donc il y a une digitalisation d’une partie des activités de La Poste qui ne concerne pas directement les facteurs. Un petit peu via leur smartphone mais peu. Et donc cette transformation passe par de la pédagogie sur le fait que comme il faut capitaliser sur la confiance des Français dans le facteur pour apporter des nouveaux services et donc comme on ne dénature pas ce lien entre le facteur et les Français, il y a globalement une bonne adhésion.
Le Club des Annonceurs : Le lien est extrêmement important effectivement. Alors finalement à cette période, on est dans une espèce d’accélérateur de tout ce qui est nouveaux circuits de distribution, et cette conscience écologique, comment vous y prenez votre place.
Éric Trousset : Je vais justement revenir sur les nouveaux circuits de distribution. Je vais faire le lien avec les nouvelles activités BtoB du facteur et je finirai sur l’écologie. Après avoir justement mis en place des services à la personne on s’est dit que finalement le facteur dans sa tournée il touche aussi des magasins de proximité. On est en plein dans l’actualité, il passe et aussi rentre dans une boulangerie pour remettre du courrier ou colis, devant des pressings, devant des pharmacies et donc là il peut avoir un rôle à jouer pour les marques. Et pour avoir rencontré un certain nombre de marques notamment dans le circuit FMCity, on s’est aperçu qu’il y avait cette volonté de la part de nombre de marques de s’ouvrir à de nouveaux circuits de distribution. Ça ne veut pas dire abandonner la GSA bien sûr, mais pouvoir se rapprocher du consommateur, Là où il va. Je vais prendre l’exemple d’une marque que l’on peut citer c’est Colgate. On les connaît, ils ont des dentifrices aussi qui sont vendus en pharmacie. Sauf qu’une marque comme Colgate n’a qu’une trentaine de commerciaux qui visitent les pharmacies. Il y a plus de 17.000 points de vente en France, comment faire ? Finalement on a travaillé Colgate. Le facteur a apporté une belle boîte avec des échantillons de dentifrice, plus un mailing à l’intérieur remis en main propre au pharmacien et a expliqué finalement qu’il était là un peu comme un ambassadeur. Sans être commercial ce n’est pas le rôle du facteur, de la part de Colgate, qui demandait aux pharmaciens de prêter attention à cette nouvelle offre. Les taux de retour ont été énormes parce que finalement il y a ce lien de proximité et ce type de service qu’on développe avec des marques. Le facteur peut aussi déposer une PLV pas compliquée, il n’est pas là pour sortir sa boîte à outils mais simple qui se déplie. Il a un smartphone Pro, il peut prendre une photo, envoyer au chef de produit la photo comme quoi la PLV est bien là, éventuellement on a peut-être besoin de réassort. Et là on est sur une réinvention de nouveaux métiers qui servent directement le business des marques. Et je vais finir sur l’écologie parce que c’est aussi un point qui nous tient à cœur. Je voudrais rappeler que La Poste sur l’ensemble de son activité est neutre en carbone depuis 2012. Que dans tous les bâtiments qui nous appartiennent on est en énergie verte, en électricité verte, on a une des flottes de véhicules électriques parmi les plus importantes au monde, on sera vite dépassé par les Chinois mais on est sur un autre monde en termes de taille. C’est vraiment un engagement fort et sur le métier qui nous préoccupe notamment le marketing direct qui est mon métier au quotidien, on vient de réaliser une étude avec un cabinet indépendant pour mesurer l’impact écologique d’un courrier mais aussi de l’équivalent en digital. Et derrière, on a construit un éco simulateur pour aider les marques à finalement être dans une démarche de progrès. Le but n’est pas de stigmatiser quoi que ce soit c’est de comprendre, parce que l’écologie c’est très compliqué quand on rentre vraiment dedans, et d’aider les marques à améliorer leur impact.
Le Club des Annonceurs : Par ailleurs on voit à quel point on a besoin de ces indicateurs c’est très important. Joli move, et puis quand on voit ça c’est intéressant de se dire que La Poste est en train d’acquérir de nouveaux marchés avec en plus des services qui sont quelque part hyper pertinents. Encore plus je dirais dans la période que nous vivons aujourd’hui. Merci beau