Le Club des Annonceurs : Vous êtes designer fondateur de RF studio à Paris et vous dirigez depuis 2017 la création architecturale de Chanel pour Parfums Beauté et Horlogerie, un beau programme. Une première question qui tourne autour des écosystèmes. Votre approche du design, en fait, elle est assez singulière. Elle est basée justement sur ces écosystèmes. Dites-nous en plus, et qu’est ce que cela apporte aux marques ?
Ramy Fischler : C’est un terme que tout le monde connaît. Mais derrière un projet, je dirais vivre, consommer ou se divertir. Il y a un mécanisme de pensée, un processus de réflexion qui est souvent très collaboratif et de plus en plus complexe. Le monde se complexifie par le digital, par l’obligation de toujours donner plus d’expérience client, de plus donner envie aux gens de sortir de chez eux et finalement de vivre des moments qu’ils ne peuvent pas vivre juste à travers leurs interfaces numériques. Les écosystèmes, avant de commencer à dessiner un espace ou un objet, c’est toutes les interconnexions entre les fonctions, les opérateurs et les composants d’un projet, pour pouvoir créer au final un immeuble, un quartier ou un centre commercial qui fonctionne.
Le Club des Annonceurs : Finalement le design, c’est une sorte de révélateur pour se poser les bonnes questions. Et puis ça participe à la transformation des entreprises pour se poser les bonnes questions autour de l’engagement et de la responsabilité. Qu’est ce que vous avez dire par rapport à ça ?
Ramy Fischler : Oui je pense c’est aussi une question de génération. Moi je m’estime encore un peu jeune je suis au début de la quarantaine donc je fais partie de ces générations de designers qui avons vu passer l’époque de l’industrialisation en masse et qui souhaitent participer aux côtés des entreprises et des acteurs du quotidien. Ces nouvelles valeurs, qui font tant vibrer à juste titre les nouvelles générations, parce qu’on en est obligé, on doit penser de façon plus économe dans la manière de fabriquer les choses. On doit penser aux énergies renouvelables et tout ça on peut nous designers l’impulser dans le monde de l’entreprise en les accompagnant, en cherchant les bonnes idées et en les mettant en forme.
Le Club des Annonceurs : En quelques mots est ce que vous pouvez me dire quelle est votre vision par rapport à tout ça parce qu’il y a bien quelque part une volonté qui est la vôtre de pouvoir accompagner les entreprises. Qu’est ce que vous souhaitez finalement pour tout ça.
Ramy Fischler : Ce qu’on souhaite c’est déjà arriver le plus tôt possible dans les projets. Je dirais que les designers sont souvent des anciens décorateurs qui étaient perçus comme des gens qui venaient très tard dans le projet pour choisir le style ou la singularité d’une marque ou d’un espace. Je pense que notre métier, et on le prouve à travers nos projets, c’est un métier de réflexion de fond qui permet aux entreprises très très en amont de penser les valeurs de demain, les enjeux sociétaux et la manière de concevoir, de fabriquer, d’interagir entre tous les acteurs d’un même projet. C’est de nous intégrer le plus tôt possible parce que nous ne sommes pas que des dessinateurs, nous sommes aussi des chefs d’orchestre qui arriveront à faire converger des enjeux communs dans tout type de projet. Finalement le design devient un parfait acteur de la transformation même si il l’a toujours été mais c’est vrai qu’aujourd’hui la transformation devient une obligation. Notre rôle, je pense et j’espère, deviendra de plus en plus commun dans le monde de l’entreprise et des marques.
Le Club des Annonceurs : Une mot sur un projet qui est assez emblématique autour d’un réfrigérateur ?
Ramy Fischler : Je trouve qu’il est intéressant parce qu’il pourrait paraître anecdotique. C’est un frigo mais en réalité c’est un objet qui permet de manger zéro déchet et bio dans le monde de l’entreprise. Donc sans rentrer dans les détails ici, ça permet de montrer qu’à partir d’un objet quand il rentre dans un écosystème, il peut transformer la façon dont l’employeur offre à ses employés de nouvelles façons de manger, de s’alimenter de façon plus utile et plus éthique. Je pense que c’est exactement ce type de projet que le monde de demain a besoin.
Le Club des Annonceurs : Vous avez une grille de lecture si vous pouviez juste nous dire pourquoi vous avez bâti cette grille de lecture pour finalement vous accompagner dans vos projets.
Ramy Fischler : Cela fait très longtemps qu’on réfléchit nous mêmes sur nos valeurs et nos piliers. Et il y a un moment il faut accepter de fermer la porte et de dire OK on en a certains qui sont primordiaux. Et si un projet ne rentre pas dans un de ses piliers, c’est qu’il y a déjà un problème de cahier des charges. Depuis un moment on travaille sur la question justement du partage par exemple dans le monde du travail sur le coworking. Cela paraît tout à fait normal mais il faut s’imaginer qu’il y a cinq ou six ans c’était des mots qui n’existaient pas dans le vocabulaire des Français pour ne rester que sur le territoire qui nous concerne ici. Donc ça prouve bien que le monde change très très vite et que nous sommes amenés à travers des piliers, d’accompagner ces entreprises et ces marques que vous citez pour aussi évoluer plus rapidement. Parce que malheureusement l’innovation n’attend pas.
Le Club des Annonceurs :Alors juste un petit mot de conclusion, qu’est ce que vous diriez aux entreprises et aux marques qui nous écoutent.
Ramy Fischler : Je pense que c’est facile de mon côté, mais je sais que pour les entreprises et les marques c’est très difficile de changer. Derrière il y a des impacts énormes économiques, entrepreneuriaux et je dirais que le plus tôt on intègre la question d’innovation le mieux c’est. L’innovation ce n’est pas quelque chose qui se fait rapidement. Paradoxalement c’est quelque chose qui vient doucement dans une entreprise qui change la culture de l’entreprise, qui change les employés et qui ensuite génère du résultat. Donc j’invite toutes les entreprises qui se posent la question de comment évoluer et comment changer, de ne pas trop attendre est plutôt de le faire en douceur et de se faire accompagner par des gens comme nous pour justement créer cette transition évolutive sur le long terme.